EXPANDING STOCKHAUSEN (1)

PARTIE 1: GESCHENK (2021)

Composition : janvier 2021
Article à paraître en 2024

Piano, Johann Vacher
Ingénieur du son, Christophe Egéa

Est-il possible d’ajouter une cadence à une pièce pour piano solo de musique contemporaine ? Est-ce qu’une oeuvre musicale atteint un jour un état définitif, inamovible, ou a contrario reste-t-il toujours un espace pour l’interroger, la renouveler ? En m’inspirant d’une part de l’ancienne tradition des cadences improvisées ou composées par les interprètes lors de la période classique, d’autre part des multiples réécritures et arrangements réalisés par les compositeurs originaux ou leurs collègues (paraphrases de Liszt, transcriptions de Busoni, interprétations composeés d’Hans Zender), enfin de propositions récentes en recherche Artistique (notamment du projet MusicExperiment21 autour de Paulo de Assis et Lucia D’Errico), j’ai entrepris d’ajouter des extensions à des oeuvres préexistantes, telles que des préludes, des interludes ou des postludes. Quelles règles peut-on se donner lorsqu’on se lance dans un tel processus ? Jusqu’où peut-on aller sans dénaturer la pièce ?

Pour apporter une première réponse à ces questions, j’ai inséré une cadence optionnelle dans la pièce Klavierstück XIV – Geburstags-Formel de Karlheinz Stockhausen. Cette oeuvre se caractérise par l’emploi de techniques inhabituelles (jeu sur les cordes, percussion sur le piano, partie vocale importante) rendues possibles par l’emploi de l’amplification et par son atmosphère de cérémonie mystique. Elle fait partie de son immense cycle d’opéra LICHT (plus de 29h de musique), qui s’appuie intégralement sur une petite pièce de musique polyphonique de seulement une minute, la Licht-Superformula, auquel que le compositeur allemand apporte des variations pendant plus de 25 ans. Pour composer mon extension, j’ai procédé dans un premier temps à une analyse en profondeur du Klavierstück XIV, à l’étude de son contexte d’écriture et de la manière dont Stockhausen aborde le piano en général. Puis, je me suis attaché à produire ma propre adaptation de la Licht-Superformula, vue à travers un prisme divergent, et à improviser dans le style de Stockhausen tout en recherchant mes propres techniques de jeu inhabituelles au piano, enfin en conservant voire exagérant l’aspect rituel, m’approchant de l’esprit de la parodie. Tout cela afin de m’aventurer sur des chemins musicaux défrichés par Stockhausen mais que le compositeur allemand n’a pas suivis. Ma cadence est à la fois un hommage à Stockhausen (son titre Geschenk signifie « cadeau, voire offrande »), un outil puissant pour comprendre son écriture pour piano amplifié, mais aussi une étude compositionnelle pour créer de futures pièces pour piano avec un répertoire plus grand d’idées musicales.
Pour toi, Karlheinz. Sans rancune, j’espère ?