Le piano mecaniquement amplifié (1)

Jouer et composer sur le piano Opus 102 de Stephen Paulello

PARTIE 1
PREMIÈRES EXPLORATIONS (2020)

 

  • Bach/Busoni, Durch Adams Fall ist ganz verderbt
  • Brahms, Ballade op.10 n°1
  • Crumb, Makrokosmos livre 1 n°7 “Music of Shadows” et n°12 “Spiral-galaxy”
  • Kodaly, Piano pieces op.3 n°9 et op.11 n°7, Rubato
  • Mandon, Prélude op.16
  • Ravel, Oiseaux tristes

Piano,
Johann Vacher
Ingénieur du son,
Marie-Ange Carrez
Vidéo,
Charly Mandon et 
Auriane Sacoman

En 2015, le facteur de piano français Stephen Paulello réalise l’Opus 102, un piano à queue de 102 notes (plus de huit octaves). Le monde musical français se presse pour essayer cet instrument unique. Rapidement, de grands artistes le choisissent comme piano de concert ou piano d’enregistrement. Qu’est-ce qui rend l’Opus 102 si spécial ? Quelles avancées techniques ont été introduites par Paulello pour parvenir à repenser la conception du piano ? Comment ce piano change-t-il l’approche des oeuvres du répertoire, comme stimule-t-il la création ?

Pour répondre à ces questions, il faut replacer l’Opus 102 dans le contexte de l’évolution du piano. Bien loin du pianoforte de Cristofori au début des années 1700, le piano est devenu au siècle romantique l’instrument-roi, une machine sonore si puissante qu’elle peut rivaliser avec un orchestre entier. Encore à cette époque, de nombreux modèles existent et les innovations vont bon train. Avec l’avènement de la marque Steinway et sa conquête mondiale du marché du piano au début du siècle dernier, une standardisation de l’instrument peut être observée autour du modèle actuel comprenant 88 touches, 3 pédales et des cordes croisées. Alors que la recherche se tourne vers les instruments électroniques, quelques irréductibles, guidés par un idéal sonore non assouvi, pensent que de nouvelles choses peuvent et doivent être tentées dans la facture de l’instrument acoustique. Stephen Paulello est de ceux-là. Il brevette des agrafes de chevalet, révolutionne la manière de confectionner les cordes, retourne au parallélisme et supprime les barres au-dessus des cordes pour plus d’homogénéité de son. La table d’harmonie de son piano, libéré d’un certain nombre de contraintes physiques, diffuse le son avec une longueur plus importante, les nombreuses cordes supplémentaires résonnent par sympathie, enrichissant le spectre harmonique des oeuvres jouées.
Charly Mandon et Philippe Schoeller sont parmi les premiers compositeurs français à écrire ou enregistrer leurs oeuvres pour cet instrument, séduits par l’extension des registres extrême et les propriétés de résonance du piano.
En m’entretenant avec la pianiste Maroussia Gentet, qui a enregistré un disque sur cet instrument, en l’essayant moi-même sur un répertoire allant de Bach à Crumb, j’ai essayé de déterminer quelles oeuvres gagnent à être jouées sur cet instrument si particulier, et comment les jouer. Il apparaît qu’un soin accru doit être apporté aux plans sonores, échelles de nuances, à la pédale, et que l’accès aux cordes se trouve facilité.